Voici quelques extraits de «Nicolas et le bateau de Maxime».

... _ D’abord, il faut que tu saches que j’attends ce moment depuis des années. Cette histoire, je ne l’ai jamais racontée à personne, parce que je n’ai jamais trouvé l’aventurier qu’il me fallait. En te voyant tout à l’heure, débarquer chez moi, j’ai tout de suite su que c’était toi ! 

_ Que c’était moi, quoi ? demande Nicolas. 

Maxime secoue la tête :

_ Il va falloir que tu écoutes pour comprendre, c’est un peu compliqué à expliquer. Je dois commencer par le début de ma vie pour en arriver au problème que je voudrais te voir résoudre…

Il lève les yeux au ciel pour réfléchir.

_Il y a quatre vingt un ans, j’avais huit ans. 

_ Comme moi ! l’interrompt Nicolas.

_ Oui, comme toi, reprend Maxime.

Puis il ferme les yeux comme s’il avait peur de perdre le fil de son histoire.

_ J’avais reçu de mon père  le plus merveilleux des cadeaux. Un bateau miniature, plus vrai que nature ...



...

Nicolas remercie Bertinette du regard et attrape la main qu’elle lui tend avant de lâcher le bois de bastingage. Elle l’emmène vers le fond du bateau, dans une grande pièce occupée en son centre par une immense table en bois et sept chaises toutes aussi imposantes. Tout autour de la salle à manger, des tableaux sont accrochés. Ils représentent l’équipage dans des situations parfois téméraires :

 Ferdinand se battant avec un drôle de personnage qui ressemble à s’y méprendre à un pissenlit noir avec une épée dans chaque main, ou devrait-on  plutôt dire dans chaque feuille. On voit aussi Bertinette préparant une marmite entière de nourriture devant une assemblée de singes aux crocs acérés, bavant et la regardant avec envie, comme s’ils projetaient de manger plutôt la cuisinière. 

Plus loin, on voit Filibère au fond d’un trou, portant à bout de bras (les quatre) un coffre. Plus loin encore, Marcelin montre la direction à prendre debout contre le beaupré.

Bertinette, qui s’était absentée, revient avec un plateau chargé de bols de chocolat fumant. Lorsqu’elle voit Nicolas inspecter la pièce, elle prend un air triste, ses yeux sont emprunts de nostalgie.

_ Ces toiles ont été peintes par Marcelin, elles représentent toutes les aventures que nous avons vécues du temps où Maxime jouait avec son bateau. 



Ticou, surpris par la violence de l’impact, lâche Nicolas pour secourir la cuisinière. L’enfant est tellement trempé et glacé que ses membres ne répondent plus. Il  tente de se rattraper à une planche de bois qui traverse la passerelle pour protéger  des chutes  ceux  du pont supérieur, mais ses mains ne lui obéissent pas.

A ce moment, une violente secousse sur la droite du bateau, le fait passer par-dessus bord. Nicolas se retrouve accroché à une corde, sur le flan droit du Charmille. Il pend lamentablement le long de la coque, les pieds à quelques mètres de la mer qui l’engloutit dès qu’une lame importante pousse le bateau dans un creux de mer.

La fin est proche, le petit garçon n’arrive plus à respirer, il a froid, ses genoux sont laminés par le bois alors que sa tête a été épargnée par miracle. Il ne peut pas se rattraper au bord du bateau pour tenter de grimper, il n’a plus de force. Il attend, il lève la tête chaque fois que l’eau menace de remplir ses poumons.

Alors que sa seule concentration consiste à retenir sa respiration quand il le faut, la corde semble tracter  le jeune mousse vers le haut. Quelqu’un est en train de le ramener sur le bateau. Il a juste la vision de Ticou tenant Bertinette d’une main et enroulant la corde autour de sa main de géant puis il perd, lui aussi, connaissance.